Compétences, de quoi parle-t-on ?

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Nombre de référentiels de métiers développent les compétences nécessaires pour exercer chacune des professions recensées. Selon les modèles, nombre et structuration de ces compétences varient : typologies en 2, 3, 4, 7, 10 ou 14 catégories.

Par exemple, une classification en trois grandes catégories différencie:

  • Le savoir (ou les connaissances) : il s'agit des grands domaines de savoirs théoriques à maîtriser pour exercer un emploi donné.
  • Le savoir-faire (ou les compétences opérationnelles) : capacité, éprouvée par la pratique, à réaliser concrètement une tâche.
  • Le savoir-être (ou compétences comportementales) : qualités personnelles requises pour exercer l'emploi. Exemples : capacité d'écoute, sens de l'initiative, du travail en équipe.

Une conception anglo-saxonne distingue deux catégories, entre « hard skills » et « soft skills ». Les premiers recouvrent les notions de savoir et savoir-faire, les secondes celles de savoir-être. Si le savoir, associé au savoir-faire, est traditionnellement la priorité des recruteurs, le savoir-être gagne désormais en importance. De nos jours, le savoir-être en entreprise est identifié comme un facteur clé de l’évolution professionnelle.

Or ces compétences relationnelles et émotionnelles ont toujours existé mais sans être précisément identifiées. Seule une minorité d’entreprises proposaient des formations de développement personnel ou de communication inter-personnelle, celles-ci étant jugées comme non prioritaires par rapport aux formations techniques. Pourtant, ces compétences « personnelles » à vocation professionnelle touchent plusieurs champs. Les soft skills intéressent directement les entreprises car elles contribuent à l’atteinte d’objectifs via la persévérance ou le contrôle de soi, au travail collaboratif via l’empathie ou la sociabilité et à l’engagement des collaborateurs via la gestion des émotions, l’estime de soi et la confiance.

Pôle emploi a répertorié ces savoir-être professionnels dans une liste de 14 items. Ces derniers ont pour but de compléter la description du profil attendu dans les offres d’emploi, de valoriser les candidats via leur profil et leur CV, ainsi que de faciliter les échanges lors des entretiens d’embauche.

Lors d’une enquête auprès d’employeurs, il note que les compétences comportementales apparaissent comme une clé indispensable à l’embauche ; les 3 les plus attendues étant « la capacité à s’organiser, prioriser les taches » (98% des sondés), « la capacité d’adaptation » (94%), et l’autonomie (93%). Il observe aussi que ces compétences varient selon les métiers : sens des responsabilités et fiabilité avec connaissance et respect des règles dans le transport et l’industrie ; autonomie dans le BTP, l’agriculture et les SAP (avec ajout de sens des responsabilités pour ce dernier) ; capacité à s’organiser, prioriser les tâches en gestion-administration et commerce.

 

Capacité d'adaptation
Gestion du stress
Travail en équipe
Capacité à fédérer
Sens de la communication
Autonomie
Capacité de décision
Sens de l'organisation
Rigueur
Force de proposition
Curiosité
Persévérance
Prise de recul
Réactivité

Compétences du 21ème siècle

Les modèles des compétences du XXI siècle ont émergé aux Etats-Unis dans les années 2000 et l’OCDE s’en est emparé en 2008. A noter que, dès les années 90 et le lancement d’écoles de coaching en France (Transformance Pro fondée par Vincent Lenhardt, l'Académie de Coaching de François Delivré…), les choses avaient commencé à bouger. Des dirigeants s’en sont inspirés : Alain Godard au sein de Rhône-Poulenc Agro, Bertrand Martin chez Sulzer, tous deux ayant été accompagnés par Vincent Lenhardt, l’un des pionniers du coaching en France.

Quatre de ces compétences sont indispensables, les quatre « C » : La créativité, la coopération, la communication et l’esprit critique. En voici les définitions selon Jérémy Lamri, fondateur de Monkey Tie et du Lab RH :

  • La créativité

L’originalité, l’inventivité et la capacité de considérer l’échec comme une opportunité d’amélioration

  • La coopération

La conscience d’objectifs communs et une motivation intrinsèque envers ceux-ci

  • La communication

L’empathie, l’adaptabilité sociale et la capacité à transmettre et recevoir des feedbacks

  • L’esprit critique

Les capacités d’observation, d’analyse et de synthèse des éléments pertinents

Ces compétences permettent de résoudre collectivement des problèmes complexes. Elles sont les bases de l’intelligence collective sur des activités mentales, avec en méta-compétence fondamentale la capacité à apprendre. Ce faisant, elles viennent bousculer les façons de penser les formations comme l’organisation de l’activité au quotidien, l’environnement de travail.

Compétences transversales et mobilité entre les métiers

Aujourd’hui, moins d’un jeune sur deux issu de la formation professionnelle trouve un métier en lien direct avec sa spécialité de formation. Depuis 30 ans, le marché du travail français est marqué par une augmentation du nombre de transitions professionnelles. Un enjeu central pour les politiques publiques est de préparer les actifs à ces mobilités, afin qu’elles soient choisies plutôt que subies et qu’elles s’inscrivent dans des parcours professionnels positifs.

Diplôme et niveau de qualification restent importants pour l’insertion professionnelle, rejoints par les compétences transférables et transversales devenues aussi un critère de recrutement influant. Les compétences transférables sont attachées à une situation professionnelle donnée mais peuvent être mises en œuvre dans un autre contexte professionnel. Les compétences transversales sont génériques, mobilisables dans diverses situations professionnelles : maîtrise de la langue, connaissances en bureautique, capacité à travailler en équipe…Cette approche par « portefeuille » de compétences et non plus par « métier » doit permettre à tout individu de mieux s’orienter et de développer sa capacité à construire son parcours professionnel de façon plus sécurisée.

Pour ouvrir le champ des possibles, il faut donc identifier les facteurs facilitant le passage d’un métier à un autre et en informer la population. En partenariat avec Pôle emploi, France Stratégie a réalisé en 2018 une étude proposant une méthode pour identifier ces compétences et aptitudes transversales en partant des situations de travail des salariés. Cette étude a également permis de procéder à une analyse des transitions entre métiers à partir des données de l’enquête Emploi de l’Insee sur 2005-2015. En associant à chaque situation de travail des compétences transversales, on peut dès lors classer les métiers selon qu’ils font plus ou moins appel à chacune de ces compétences, et ainsi définir des proximités entre métiers en fonction des compétences transversales mobilisées. Se dessine ainsi une cartographie de 75 familles de métiers à l’aune des compétences transversales qu’elles requièrent.

La proximité de situations de travail transversales ne suffit pas à expliquer les flux de mobilité observés entre métiers. D’autres facteurs jouent fortement : le domaine professionnel, qui traduit des compétences spécifiques communes entre métiers ; des effets « frontières », quand il s’agit de passer d’un métier exercé très majoritairement par des hommes à un métier exercé très majoritairement par des femmes (et réciproquement) ou quand des métiers sont géographiquement localisés sur certains territoires.

Bâtir des passerelles métiers intersectorielles dans l’industrie pour favoriser la polyvalence et la polycompétence des salariés et répondre aux difficultés de recrutement des entreprises, tel est l’objet de l’expérimentation que conduisent les branches de l’alimentaire et de la métallurgie dans les Hauts-de-France (signature avec l’État d’un engagement pour le développement de l’emploi et des compétences (Edec)). Les enjeux de la formation y sont abordés au travers de la question des compétences, au lieu de s’y intéresser au travers des métiers ou des secteurs. L’expérimentation doit permettre de mettre en évidence les besoins de formation communs, améliorer l’attractivité des métiers en montrant des débouchés multiples car multisecteurs ; permettre la synergie entre les acteurs de l’emploi et de la formation du territoire et capitaliser en créant un kit pour démultiplier l’expérimentation.

 

La transition écologique et énergétique modifie radicalement les modèles économiques et concerne tous les secteurs, presque tous les métiers. Elle modifie notablement le paysage des compétences professionnelles. L'adaptation des métiers et des formations à la transition énergétique et écologique et les transitions professionnelles qui peuvent en découler ont été abordées dès 2013 par la conférence environnementale. Un kit d’accompagnement des transitions professionnelles des filières industrielles impactées par la transition écologique et énergétique, publié en 2015 et conçu de manière modulaire et mis à disposition des acteurs locaux en est une émanation. Ce kit a été élaboré à partir d’expérimentations menées dans trois bassins pilotes différents (Strasbourg Molsheim, Étang de Berre, le Havre). Il aide notamment à mettre en évidence et à construire des passerelles possibles d’un métier fragilisé vers un métier des filières vertes et verdissantes spécifiques au territoire en s’appuyant sur les compétences techniques et transversales des métiers.


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