État des lieux de l'illettrisme au niveau régional et national

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L’illettrisme, une problématique à la mesure aléatoire

En matière de mesure de l’illettrisme, deux sources sont principalement mobilisées : celles provenant de la Journée de Défense Citoyenneté (JDC) et celle de l’enquête Information et vie quotidienne (IVQ). Elles ont cependant des périodicités et des publics divers.

Données provenant de la Journée de Défense Citoyenneté (JDC)

Chaque année, les jeunes de 15 à 26 ans sont appelés à participer à la Journée Défense et Citoyenneté (JDC).

Cette journée, qui permet de découvrir les opportunités professionnelles civiles et militaires offertes aux jeunes, est obligatoire. A cette occasion, une évaluation des apprentissages fondamentaux de la langue française est réalisée.

Ainsi, nous disposons chaque année d’informations précises sur les capacités de lecture, de compréhension et sur le niveau d’illettrisme des jeunes citoyens. Deux catégories distinctes sont mesurées : la part des jeunes en difficultés (ayant de très faibles capacités de lecture) et la part des jeunes en situation d’illettrisme.

Données provenant de l’enquête Information et vie quotidienne (IVQ)

Cette enquête conduite par l’INSEE et baptisée « IVQ » pour « Information et vie quotidienne » a été menée deux fois.

La première « IVQ 2004 » a concerné 10 400 ménages de France métropolitaine, la seconde « IVQ 2011 », 13 750 ménages. Les individus interrogés sont âgés de 18 à 65 ans. Différents domaines sont évalués : le calcul, la lecture, l'écriture et la compréhension d'un texte simple.

La dernière édition de cette enquête s’est déroulée en 2011-2012. Il n’existe pas de données régionales pour l’ex région Picarde concernant l’édition 2004.

 

De quoi parle-t-on ?

menu_book Illettrisme

En France, une personne est en situation d’illettrisme lorsqu’elle a été scolarisée en France et qu’elle a perdu ou n’a pas acquis une maîtrise suffisante de l’écriture, de la lecture ou du calcul. Ces difficultés peuvent s’associer et être de degrés divers. La non-maîtrise interfère alors dans le quotidien de la personne, limitant son autonomie ou l’accomplissement des gestes de la vie de tous les jours.

Pour l’ANLCI, l’enjeu est alors « de réapprendre, de renouer avec la culture de l’écrit, avec les formations de base, dans le cadre de la politique de lutte contre l’illettrisme ».

desktop_windows Illectronisme

L’illectronisme est la transposition du concept d’illettrisme au domaine de l’informatique. Il définit l’incapacité d’un individu, soit par peur ou par non-maîtrise des connaissances clés, à créer ou à utiliser des ressources numériques.

business_center Analphabétisme

La notion d’analphabétisme sera, elle, employée pour désigner une personne n’ayant jamais été scolarisée. Elle n’a ainsi jamais appris à lire ou à écrire dans aucune langue.

Pour l’ANLCI, l'enjeu pour ces personnes est alors « d’entrer dans un premier niveau d’apprentissage ».

chat Français Langue Étrangère

Le terme FLE, pour « Français Langue Étrangère », concerne un individu résidant en France et ne parlant pas le français. Cet apprentissage du français peut donc concerner des personnes aux âges et aux parcours divers : étudiant étranger, migrant ou individu venant en France à titre professionnel…

Selon l’ANLCI, l’enjeu est « d’apprendre la langue du pays où réside l’individu ».

 

format_list_numbered Les différents degrés d’illettrisme

Le cadre national de référence de l’ANLCI décrit quatre paliers permettant de graduer l’avancée vers la maîtrise des compétences de base. On peut considérer qu’on est sorti de l’illettrisme lorsqu’on maîtrise le degré 2.

Degré 1 : Repères structurants

Compétences permettant de se repérer dans l’univers de l’écrit (identification des signes et des mots), dans l’univers des nombres (base de la numération), dans l’espace et dans le temps, de participer à des échanges oraux avec des questions-réponses simples, etc.

Degré 2 : Compétences fonctionnelles pour la vie courante

Compétences permettant, dans un environnement familier, de lire et d’écrire des phrases simples, de trouver des informations dans des documents courants, de donner et de prendre des informations orales lors d’un entretien, de résoudre des problèmes de la vie quotidienne nécessitant des calculs simples, etc. Les personnes concernées s’acheminent vers la mise en place de savoir-faire d’ordre linguistique, cognitif, mathématique, mais ceux-ci ont encore pour finalité étroite les situations pratiques de leur vie quotidienne.

Degré 3 : Compétences facilitant l’action dans des situations variées

Ces compétences permettent de lire et d’écrire des textes courts, d’argumenter, de résoudre des problèmes plus complexes, d’utiliser plus largement des supports numériques, etc. Il s’agit d’aller au-delà du pragmatisme quotidien et de se diriger vers plus de distanciation, de transversalité, d’automatisation, vers une appropriation croissante des codes (règles orthographiques, registres de langue), vers un usage plus systématique d’outils d’appréhension du réel (tableaux, graphiques, schémas). Le degré 3 est proche du niveau du certificat de formation générale.

Degré 4 : Compétences renforçant l'autonomie pour agir dans la société de la connaissance

Ce degré regroupe l’ensemble des compétences nécessaires pour être à l’aise dans la société, s’adapter aux évolutions et continuer à se former. Il correspond au bagage de fin de scolarité obligatoire. Le degré 4 est proche des exigences de formation générale des qualifications de niveau V (CAP, BEP, Brevet des collèges, etc.).

Sources : extrait du Cadre national de référence pour l’accès de tous à la lecture, à l’écriture et aux compétences de base

Illettrisme : un niveau régional plus élevé qu’en France métropolitaine

Sources
DSNJ/DEPP, ANLCI, dont enquête IVQ 2004 et 2011, données traitées par JP Jeantheau
C2RP, Diagnostic partagé de la région Hauts-de-France, juin 2018
Rapport et recommandations, Stratégie nationale pour un numérique inclusif, Secrétariat d’État au numérique

Résultats des évaluations de la Journée Défense Citoyenneté, session 2020

Concernant la session 2020 de la Journée Défense Citoyenneté, 437 000 jeunes âgés de 16 à 25 ans ont participé à ces évaluations. Parmi les 437 000 interrogés, on estime à 9,5% la proportion de jeunes ayant de très faibles capacités de lecture ou des difficultés sévères. Parmi ces 9,5%, près de la moitié, 4,6% sont en situation d’illettrisme.

Répartition des jeunes en difficulté de lecture

Au niveau national, on constate que les performances en lecture progressent avec le niveau d’études. Les filles sont par ailleurs moins impactées que les garçons (7,9% d’entre-elles sont en difficulté contre 11% des garçons).

Au niveau de la France métropolitaine, il s’avère que 9,5% de ces jeunes ont des difficultés de lecture. Ces difficultés concernent les traitements complexes liés à la compréhension de l’écrit.

Les jeunes des DOM sont particulièrement concernés par les difficultés de lecture : 28,6% pour la Guadeloupe, 27,9% pour la Martinique, 25,4% pour la Réunion, 46,6% pour la Guyane et 71,1% à Mayotte.

Pourcentage de jeunes en difficulté de lecture selon le département

 

Au niveau régional, les difficultés de lecture sont plus prégnantes dans le versant sud des Hauts-de-France.

Répartition départementale des jeunes en « difficulté de lecture » en Hauts-de-France

NB : Cette édition 2020 est particulière, et la lecture de ses résultats doit se faire à l’aune de deux évolutions majeures. D’une part l’année 2020, marque la passation d’une nouvelle série de questions, et la mise en place d’une nouvelle classification des différents seuils de maitrise de lecture « De nouvelles questions ainsi que de nouveaux seuils de maîtrise ont été définis. Les profils de lecteurs en 2020 ne sont donc pas comparables à ceux présentés les années précédentes ». Par ailleurs la crise sanitaire a également bousculé les conditions de passation de ces tests. « Ainsi, 437 000 jeunes ont effectué leur JDC en présentiel et ont pu passer le test de lecture, 165 000 jeunes ont participé à une JDC en ligne, sans passer le test et 162 000 jeunes ont vu leur JDC reportée en 2021 ». En comparaison, la précédente édition de ces tests avait concerné 496 000 jeunes.

Journée défense et citoyenneté 2020 : près d’un jeune Français sur dix en difficulté de lecture, note d’information de la DEPP

zoom_in Maîtrise des savoirs de base des jeunes accompagnés par les missions locales de l’Aisne et en CFA

Les jeunes sont particulièrement touchés par l’illettrisme. D’autres études aux périmètres plus restreints viennent apporter un regard complémentaire.

Maîtrise des savoirs de base des jeunes : enquête auprès des missions locales de l’Aisne

A l’initiative du Préfet de l’Aisne, une enquête a été menée sous la direction de la FNADT, auprès des Missions Locales du département, afin de mesurer le niveau en lecture et en calcul des jeunes. Pour effectuer cette mesure, l’ANLCI a mis à disposition l’outil « Evado » (EValuation à Distance sur Ordinateur). Cet outil permet de mesurer à partir de tests, les compétences en lecture, les capacités de compréhension et d’identification de textes simples, ainsi que l’aptitude à écrire des mots. Un second volet de tests est, lui, dédié au calcul.

Sur les 466 jeunes ayant passé ces tests, 35% sont en situation d’illettrisme. Ce chiffre est très nettement supérieur aux données relevées dans le cadre des JDC.

Illettrisme et jeunes en apprentissage en France métropolitaine

L’ANLCI a mené une enquête auprès des CFA de l’Ile-de-France, des ex-régions du Languedoc-Roussillon, de la Provence-Alpes-Côte d’Azur et de la région Rhône-Alpes. Toujours avec le même outil (EVADO) auprès cette-fois-ci de 1 700 élèves, les résultats sont là encore malheureusement élevés : 34% de ces jeunes sont considérés en situation d’illettrisme.

Source : DSNJ/DEPP données traitées par JP Jeantheau, ANLCI


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